R∴L∴ PETIT PRINCE
EST 6013
L∴ LIBRE D'AVIATEURS DE NOE
1ère (vieille) planche d'App:. d'un F:. de Petit Prince, devant sa L:. du GO en 2009
Peut-on parler d’une initiation, au sens maçonnique, du métier de pilote de ligne ?
Pour être franc, l’idée de cette pl m’est venue le jour même de mon initiation. Je m’étais même questionné ouvertement lors de ma pl d’ « impression d’initiation ».
Le V.I.T.R.I.O.L. m’avait rappelé avec force tout un pan de mon métier de Pilote de Ligne, celui, non technique, que l’on appelle « les Facteurs Humains », ou FH.
Savez-vous, et c’est remarquable, que le législateur a mis sur le même pied d’égalité la nécessité pour un pilote de ligne de maîtriser la navigation, la météorologie, les techniques de vols, et… la nécessité de bien se connaître soi-même ? C’est effectivement écrit dans le décret qui définit le Brevet de Pilote de Ligne.
De plus, en vivant cette première année avec vous, j’ai remarqué bon nombre de similitudes entre les méthodes du travail maçonnique et celles de l’aérien.
Comme par exemple l’organisation de la profession en 3 grades. De l’apprenti au maître, de l’élève pilote au Commandant de Bord.
Pour structurer ma pl, je vous présenterai donc mes réflexions sur l’apprentissage du métier de pilote de ligne, puis sur ce fameux « connais-toi toi même » désormais réglementaire. Lorsque les bâtisseurs de cathédrales durent s’organiser, il fallut répondre à plusieurs problèmes.
Tout d’abord, l’unité de temps de la construction d’une cathédrale était le siècle, c’est à dire environ deux générations : il fallut donc créer un système de transmission des savoir-faire pour assurer une continuité des travaux dans l’oeuvre construite.
Ensuite, la disparité géographique : l’Eglise, maître d’oeuvre, voulait construire des cathédrales dans tous les pays d’Europe, ce qui nécessitait le voyage des compagnons d’un chantier à l’autre, leur acceptation sur un autre chantier etc (déjà un problème de reconnaissance de licences internationales !).
Enfin, il faut se rendre compte que ces métiers étaient nouveaux. Bien sur il existait des tailleurs de pierre, des sculpteurs, charpentiers… mais savoir travailler sur un chantier d’ensemble, avec les contraintes organisationnelles que cela induit 2 (délais à tenir, unité architecturale…), tout cela était nouveau et s’est développé « sur le tas ».
Il n’y avait donc pas d’école à proprement dite, mais un apprentissage par le maître, qui lui même continuait à apprendre tous les jours, à l’apprenti, sur le chantier.
Enfin, j’ai découvert, pendant mes recherches, que ces ouvriers compagnons étaient organisés en syndicat, puis en loge, veillaient à être respectés, bien logés, travaillaient 5 jours par semaines, avaient 5 semaines de congés, et… le droit de grève. Ca ne vous rappelle rien ?...
Le métier de pilote de ligne est lui aussi un métier jeune. Songez qu’après une 1ère génération d’aventuriers comme Mermoz ou Saint-Ex, la 1ère véritable génération de pilotes de ligne modernes arriva après-guerre. Et la 2ème génération, celle des jets, part massivement à la retraite en ce moment. La qualité de la transmission est donc pleinement d’actualité. Une compagnie comme Air France réfléchit d’ailleurs à comment ne pas perdre cette masse d’expérience. On réfléchit à du tutorat.
Le métier est donc jeune, au regard de l’échelle de temps que nous nous fixons pour la comparaison. L’apprentissage « sur le tas » de la communauté des pilotes est constant : les techniques évoluent sans cesse. Par exemple, mon environnement de pilote est déjà complètement différent de celui dans lequel j’ai commencé il y a 15ans.
Il s’agit donc moins de transmettre des savoirs que du savoir-faire, et surtout, que du savoir-être. L’obligatoire unité architecturale d’une cathédrale construite au fil des années sur 2 générations est ici à rapprocher de la culture de la sacro-sainte « sécurité des vols ».
Par exemple : bien que de plus en plus d’ordinateurs équipent nos avions, les anciens nous rappellent continuellement les « règles de l’art », par exemple, le « back to basic » : « si tu ne comprends pas ce que fait le pilote automatique, déconnecte le et pilote l’Airbus comme un vrai avion, à la rigueur comme celui de l’aéro-club, au moins tu ne te tueras pas ». Voilà un exemple de transmission orale de maître à apprenti. Pour la nouvelle génération de copilotes de 25ans qui arrive, qui n’a connu que le pilotage assisté par ordinateur et la navigation GPS, notre tâche de compagnonnage au quotidien en tant que commandant de bord, est primordiale : apprendre aux plus jeunes les règles de l’art, qui sont notre assurance vie. D’autant que ces règles ne sont pas écrites, et se transmettent dans l’intimité du cockpit, quand tout va mal…
En maçonnerie, on taille la pierre brute pour ériger un temple jamais terminé. Dans la fraternité des pilotes de ligne, on travaille constamment sur la sécurité des vols, sans jamais atteindre le zéro accident. C’est un travail continu, sur nos procédures, sur nous-mêmes. Il demande humilité, car il faut accepter de faire fausse route, puis de se remettre en cause.
Comme je le disais en introduction, un point commun entre les fm et les pilotes de ligne, est l’organisation de notre métier en 3 grades qui ressemblent dans leur fonctionnement aux grades d’apprenti, de compagnon, 3 et de maître.
Il s’agit des élèves pilotes, des copilotes, et des commandants de bord.
Si l’élève pilote entre dans un environnement totalement nouveau et parfois déroutant, par son vocable, ses coutumes, ses manières de penser, il n’a pas trop le droit de parler : il écoute, il absorbe, telle une éponge, et, si l’instruction est efficace, il apprend petit à petit une nouvelle façon d’aborder les problèmes. Même si je n’aime pas beaucoup ce mot, je dirais qu’il se « formate » l’esprit : dorénavant, ses méthodes de réflexion n’auront plus qu’un but : celui de la sécurité des vols : notre temple à bâtir, à nous les pilotes.
Vient le jour du lâcher en ligne. L’élève pilote passe un examen en vol durant lequel il est observé par ses pairs. Il est questionné sur les bases du métiers : connaît-il les procédures de vols ? …Parallèlement dans le temple : connaît-il les règles de base de la vie en loge ? Il est testé sur des pannes fictives pour vérifier que ses raisonnements sont seins en terme de sécurité : de même, l’apprenti peut-il montrer qu’il a compris les méthodes de raisonnement maç ? Bref, ses pairs le jugent-il prêt à travailler en toute sécurité, avec des passagers, et à entamer le long travail de murissement personnel du copilote ?
Dès lors le copilote travaille, en ligne, avec des passagers. Il est productif. Tout comme le compagnon taille sa pierre dégrossie lorsqu’il était apprenti. La proximité du commandant de bord, plus sénior que lui, lui permet d’apprendre chaque jour de ses erreurs, par une distillation de méthodes de comportement : « tu vois petit, entre nous, si tu avais sorti les aérofreins plus tôt, même si tu passais pour un frileux, tu n’aurais pas été si haut et rapide à l’atterrissage. Tu aurais été plus serein. Tu as voulu te prouver que tu étais bon, mais sans travailler à la limite, nous aurions été plus sereins et donc plus disponibles en cas de panne ou de rafale de vent. Attention à ton orgueil, tu vois qu’il peut diminuer la sécurité des vols. C’est entre nous, ca ne sortira pas du cockpit ».
Cette intimité du cockpit permet de faire passer des messages comportementaux qui n’ont pas vocation à sortir du couple maîtrecompagnon. La porte du cockpit est fermée : le temple est couvert.
Le copilote va voler quelques années, accumuler des heures de vols et de l’expérience. Il va petit à petit devenir plus sage. Prendre plus de marges de sécurité, sentir les problèmes arriver avant même qu’ils n’apparaissent. Chaque commandant de bord va lui apporter un petit quelque chose qui l’amènera à prendre un peu plus de recul sur son métier. Juste qu’au jour où il pourra changer de grade.
Re-contrôle en vol avec ses pairs pour être lâcher Commandant de bord.
Le contrôle est totalement différent de celui de son lâcher en ligne de copilote. Un instructeur m’a prévenu un jour par cette phrase : « Lorsque tu passes copilote on te questionne sur ce qu’il y a dans les livres. Lorsque tu passes commandant de bord, on te questionne sur ce qu’il n’y a pas dans ces livres ». J’ai trouvé cette phrase très vraie : on demande à un copilote de bien connaître les procédures, mais un commandant de bord doit être capable de déroger à une procédure, voire d’en inventer une, s’il juge la situation critique. C’est toute son expérience accumulée lors de ces années d’apprentissage qui va lui permettre de « sentir » la situation. Le contrôle de copilote permettait de vérifier que l’apprenti connaissait les procédures, les outils du métier.
Le contrôle de commandant de bord permet de vérifier que le compagnon peut être autonome. Il a atteint la maturité pour ne plus avoir de maître, mais pour en devenir un.
Dès lors, il va continuer à travailler sur sa pierre : tous les problèmes gérés tous les jours par les commandants de bord continuent à l’enrichir. Mais il a maintenant la capacité d’analyser seul un événement adverse, d’en retirer ce qu’il y a en retirer en terme d’expérience technique et surtout humaine : « j’aurais du ne pas céder à la pression, je n’aurais pas du partir dans ces conditions. Ca me servira de leçon ». Les pilotes savent bien que s’ils ne se remettent pas en question chaque jour, s’il n’essayent pas de s’améliorer, par un travail sur eux-mêmes ou sur des sujets techniques, c’est l’accident qui guète.
De plus, il profite maintenant de son auto apprentissage pour aider à son tour à la transmission à son jeune copilote. Après une approche compliquée et mouvementée, on entend souvent cette phrase dans l’intimité du cockpit : « on aura bien mérité notre bière », version profane du « nous avons bien mérité notre salaire ». L’atterrissage n’était pas gagné d’avance, les éléments étaient contre nous (orage, vent de travers, piste inondée…). Une fois posés, le stress s’estompant, le plaisir du travail bien fait nous soude dans une sorte de relation proche de la fraternité : « frères d’armes », ou plutôt ici, « frères navigateurs ». Personne ne viendra nous féliciter pour cet atterrissage, mais nous savons trouver, en toute humilité, au fond de nous, la fierté du travail bien fait. Tout ce que nous avons appris lors de notre lent apprentissage du métier nous aura servi aujourd’hui.
Autre point de convergence entre travail en loge et en aviation : le parallèle entre rituels et procédures. Les procédures de vol sont au service de la sécurité des vols, et les rituels maçonniques au service de la réflexion.
La préparation mentale d’un vol ressemble à une tenue. Il faut être prêt mentalement à décoller, et donc à affronter une panne moteur au décollage. De la même manière que la tenue commence par tout un rituel qui met en condition pour le travail maç, la préparation de vol est une série de rituels, de briefings de préparations, qui permettent de se mettre en condition.
Il est indispensable à notre travail de laisser tous nos problèmes à terre : mettre de côté nos problèmes familiaux, problèmes extérieurs, pour être entièrement à notre tâche. Les pilotes aussi laissent leurs métaux sur le parvis de leur avion.
Enfin, le thème du voyage est presque indissociable de celui de l’initiation.
Les compagnons opératifs faisaient leur tour de France pour parfaire leur formation, les pèlerins de Compostelle allaient à pied le long des routes en méditant, la FM lors de sa cérémonie d’initiation propose 3 voyages symboliques à l’impétrant. D’ailleurs le V de VITRIOL veut dire Voyage.
Paradoxalement, le monde actuel va trop vite, et il faut s’arrêter un moment pour prendre le temps de réfléchir. Comme le dit le Petit Prince, « les hommes n’ont plus le temps de rien connaître ». Et ce n’est pas un hasard si le pilote St-Exupéry tombe en panne dans le désert, pour mieux prendre le temps de méditer, son moteur d’avion cassé. A moins, qu’il ne s’agisse de son moteur personnel. Après sa rencontre avec le Petit Prince, lui aussi en voyage initiatique à travers les étoiles et ses habitants, le pilote aura réparé ses 2 moteurs : son moteur d’avion, et donc son moteur personnel.
Maintenant, je souhaite vous faire partager, en tant qu'extérieurs au monde de l'aérien, le concept pragmatique aéronautique des « Facteurs humains » : Je m’explique : il existe un certain nombre de certificats théoriques du brevet de Pilote de ligne : technique de vol, navigation, météorologie… et un se nomme FACTEURS HUMAINS.
Ce sujet passionnant qui appelle tout impétrant dans la profession à voyager dans l’intérieur de lui-même, n’est pas qu’une conférence théorique un jour J : tous les vols de contrôle, tous les stages annuels de maintien de compétence, tous les débriefings de simulateur… tous ces actes d’instruction doivent REGLEMENTAIREMENT aborder leur sujet avec un oeil FH. Nous sommes loin des anciens qui menaient leur mission et leur équipage comme ils l’entendaient, au risque PARFOIS, de compromettre la sécurité du vol par des comportements…limites. Parce que c’est bien de Sécurité qu’il s’agit. Le législateur n’a pas demandé aux pilotes de réfléchir à leurs « biais personnels » pour le plaisir de rajouter une discipline au programme du brevet.
Il y a une quinzaine d’années, lorsque j’ai débuté mes études de pilote, on nous a expliqué cette révolution en cours : il y a un accident majeur par million de décollages et atterrissages, ce qui est « acceptable ». Mais au rythme de la croissance du transport aérien, d’ici 15 ans, c’est à dire aujourd’hui, il y aura un accident majeur par semaine dans le monde. Tout ceci avec le même très faible taux d’accident, mais avec une hausse du nombre de vols. Tout simplement inacceptable pour l’opinion publique.
Nos instances internationales se sont réunies, ont étudié les chiffres, les scenario d’accidents, et ont observé que dans presque 80% des cas, le facteur humain était intervenu en tant que facteur aggravant ayant conduit à l’accident. On ne parle évidemment pas des milliers de fois où l’accident a été évité par ce même facteur humain.
Bref, il y avait là, à leurs yeux, une voie d’amélioration évidente de la sécurité aérienne.
Voilà comment, il y a 15 ans déjà, le législateur a imposé une version light du VITRIOL dans les programmes de pilotage.
Je vais essayer d’illustrer de concept par quelques exemples.
D’après les études psychologiques appliquées à l’aéronautique, les traits de la personnalité explorés en premier lieu, lors des sélections de pilotes, sont l’esprit de décision, la sociabilité, et la capacité à évaluer son niveau de performance, sans se surestimer ou se sous-estimer.
Nos attitudes font partie de notre personnalité mais sont plus volatiles : on peut en changer en fonction de notre expérience. L’apprentissage peut les orienter, les moduler vers des comportements moins naturels. Les publicitaires, politiciens, instructeurs en vol, et gourous de toutes sortes exercent une énorme pression sur nos attitudes.
Une partie des cours FH consiste à travailler nos propres attitudes afin qu’elles s’inscrivent dans le contexte sécuritaire des vols.
Deux attitudes semblent essentielles pour la gestion d’un cockpit : l’intérêt porté aux autres membres d’équipage (relationnel) , et l’envie de bien exécuter les tâches confiées. Des tests proposés dans les compagnies permettent de s’auto évaluer sur ces différents plans, afin de mieux se connaître, et de mettre de l’énergie dans la correction de biais qui pourraient s’avérer dangereux pour la sécurité des vols.
Quelques exemples :
- LA COMMUNICATION DANS L’EQUIPAGE : malgré les soucis extérieurs, au moment du briefing avec les membres de l’équipage, il faut paraître à la fois sympa, pour que les gens aient envie de communiquer, mais pas « trop » sympa, ce qui mettrait en cause le leadership du commandant. Une bonne communication est impérative à la sécurité des vols, car un steward à l’arrière de l’avion ne doit pas avoir peur de rapporter immédiatement tous les doutes qu’il pourrait avoir comme un bruit anodin. Il en est de même au cockpit. La communication doit être totale. L’ambiance détendue. Mais attention, les efforts du commandant pour rendre l’atmosphère agréable ne doivent pas conduire à une inversion du gradient d’autorité. Le gradient d’autorité dans un équipage professionnel est naturel, légèrement supérieur coté commandant. Par contre, il peut rapidement pencher d’un coté ou de l’autre dans les cockpit à particularité : par exemple, un jeune commandant de bord un peu timide, avec un vieux copilote qui a tout vu, tout connu, et qui veut le montrer. Le commandant doit alors être conscient de sa faiblesse naturelle et avoir une attitude proactive au moment du briefing pour « marquer son territoire ». La suite se passe en général très bien. De même, un commandant de bord trop autocratique peut complètement étouffer un jeune copilote qui n’ose pas remettre en question ses décisions, ni mêmes ses actions. Il y a eu des crashs pour cette raison, notamment en Asie où la notion de hiérarchie est très marquée. Des copilotes ont laissé des commandants aller dans la montagne, parcequ’il était chef. Si en plus c’étaient des anciens militaires…
- CONNAÎTRE SA PERSONNALITE, SES ATTITUDES FACES AUX EVENEMENTS : Plusieurs types d’attitudes dangereuses ont été identifiés. Le jugement 7 peut être éduqué pour faire prendre conscience aux pilotes des biais que leur personnalité peut créer.
Quelques exemples d’attitudes dangereuses :
- l’anti autorité
- l’impulsivité ; Et le conseil des anciens pour calmer le jeu : « Quand y’a le feu… y’a pas le feu ! »
- l’invulnérabilité : « Ca ne m’arrivera pas, ça n’arrive qu’aux autres ». Nous appelons ça le syndrome du Titanic, qui a coulé par péché d’orgueil, filant vitesse maximale dans la nuit et les icebergs, car son commandant de bord le supposait « incoulable ».
- la résignation : le recadrage du 2ème pilote est ici nécessaire. D’où la nécessité d’une bonne synergie d’équipage.
- l‘excès de confiance et son corolaire l’arrogance ; Un pilote arrogant a besoin de prouver ses capacités. Il va prendre des risques en travaillant aux limites. Un pilote de ligne n’en a pas le droit. Il ne faut pas hésiter à changer de projet d’action si celui ci présente le moindre risque. Les anciens disent : « Il n’y a pas de bons pilotes, il n’y a que des vieux pilotes encore vivants ». Il est important de connaître l’attitude que nous sommes le plus susceptible d’adopter en cas de problème. En effet, chacune de ces attitudes dangereuses est en nous à un degré plus ou moins important.
Pour en finir avec ce voyage intérieur, il est impératif pour un pilote de bien connaître son comportement face au stress. Les risques liés au stress présentent un handicap non négligeable pour le pilote, car ils agissent directement sur sa performance. Il contient des éléments de peur, d’angoisse, et conduit à un blocage psychique, catastrophique pour un pilote en fonction. Un système de régression peut même se mettre en place : on oublie les apprentissages les plus récents et on revient à de vieille procédures, apprises sur d’autres avions, dans d’autres compagnies… voir un retour à la langue maternelle. Le stress est un mécanisme chimique, primitif, naturel, et vital chez tous les êtres vivants. Il permet à un animal au repos de se mettre à l’affut du danger, puis de se battre ou de fuir.
Les pilotes doivent apprendre à détecter l’élévation de leur stress et à percevoir celui des autres membres de l’équipage.
Face à l’adversité, le niveau de stress monte, augmentant l’attention et la performance : c’est le bon stress, puis, lorsque la barque est trop chargée, nous atteignons un point de rupture, et le mauvais stress conduit à l’épuisement mental, à un blocage.
Pour un pilote il faut impérativement éviter d’atteindre ce point de rupture, se ménager une marge de sécurité. Que ce soit pour le traitement d’une panne technique en vol, feu réacteur etc… qui implique un haut niveau de stress ponctuel, ou un détournement, qui peut durer plusieurs heures ou jours, et dont le stress peut mener à l’épuisement.
Chaque pilote, conscient par auto-évaluation de son niveau maximal de stress, doit se positionner sur cette courbe.
Il peut retarder son point de rupture avec des techniques personnelles. Pour ma part, je me sens moins stressé lors d’une panne si je me sais bien préparé. Cela induit pour moi une bonne connaissance des systèmes, des procédures. Par un travail régulier à la maison, je sais que ma connaissance des systèmes me donnera confiance et donc le stress sera un moteur positif pour mieux appliquer des procédures que je maîtrise. D’autres pilotes n’ont pas la même auto-évaluation et ont confiance dans leur capacité à « gérer la crise à chaud ». Je sais également que sous stress j’ai des difficultés avec le calcul mental… ce qui n’est pas grave, mais conscient de ce désagrément, je pose mes additions sur le papier. Je sais également que je suis plus serein face à l’adversité lorsque j’ai bien dormi, donc je tâche de me coucher tôt avant un vol. De même, l’humour m’aide à entrer dans l’action. Un bon mot peut détendre l’atmosphère et faire redescendre un peu le niveau de stress.
Vous le voyez, le voyage intérieur est capital dans l’apprentissage, jamais terminé, d’un pilote de ligne.
Ce travail structuré autour des « facteurs humains » dans l’aérien a prouvé son efficacité. En terme de sécurité des vols car 15ans après, le taux d’accident a drastiquement diminué, mais aussi en sérénité de relation de travail.
Alors je me mets à rêver : pourquoi ne pas étendre ce concept à d’autres corps de métiers ? Les chirurgiens ont-ils des cours de sensibilisation comportementale ? Sont ils sensibilisés au pécher d’orgueil qu’il pourrait commettre en se lançant dans une opération peut-être mal évaluée ? Je suis sur que vous allez réagir sur cet aspect du problème.
Voilà donc mon exposé pour vous montrer les parallèles que j’ai pu faire entre mon initiation de fm et mon métier de pilote. Je ne sais pas si j’ai bien fait passer mon message. J’en parle évidemment comme quelqu’un de passionné.
Le but était double : vous faire partager un peu de ma passion, et j’espère que cela vous a intéressé, et surtout, cela m’a permis de travailler. C’est une application pratique de tous les concepts maç que j’ai découvert cette année à mon niveau d’apprenti. Une application concrète est le meilleur moyen de bien comprendre et de fixer les choses.
Donc pardonnez moi pour les rapprochements quelquefois hasardeux, voir les « quasi blasphèmes » que vous aurez peut-être mal ressenti… mais c’est, à mon niveau, comme ça que j’ai entreprit d’utiliser les outils de mon grade.
Enfin, pour ne pas bouder notre plaisir, comment ne pas remarquer que s’il n’y a qu’une seule citation gravée sur les murs du GODF, c’est une pensée de pilote : celle d’Antoine de St-Exupéry.
J’ai dit VM.
L.